Dans l’Entreprise 1.0 actuelle, le collaborateur est contraint de se dissoudre dans le collectif sans pouvoir mettre en avant la richesse de sa singularité. Dans l’Entreprise 2.0, chacun a la possibilité de construire sa marque personnelle à partir de ses aptitudes, compétences et qualités et de la conjuguer avec d’autres marques personnelles pour son propre bénéfice et celui du collectif.
Qu’est-ce que l’entreprise 2.0 ?
Dans mon livre sur le management de l’intelligence collective, il est question de l’entreprise intelligente mais ce n’est plus à la mode en ce moment. Maintenant, on parle d’entreprise 2.0 ! C’est le nouveau concept « marketing » pour décrire l’évolution des organisations dans une économie du savoir. Une évolution indispensable dans le cadre d’une compétition mondiale où l’innovation fait la différence entre les entreprises qui survivent et celles qui vont disparaître. Une entreprise 2.0 sait développer la créativité, l’innovation ou la réflexion collective pour obtenir une performance collective supérieure à la somme des performances individuelles. Cela consiste par exemple à être capable de prendre des décisions éclairées par les intelligences et les savoirs des personnes impactées directement ou indirectement par la décision à prendre.
L’objectif est de transformer l’organisation sur un mode « chaordic » (cf. http://en.wikipedia.org/wiki/Chaordic ). L’enjeu de ce nouveau mode d’organisation est de savoir faire co-exister en bonne intelligence une structure hiérarchique verticale qui cherche à « garder le contrôle » et une structure transverse informelle qui cherche à dynamiser les réseaux sociaux pour résoudre des problèmes et innover en mobilisant toutes les intelligences et tous les savoirs disponibles dans l’organisation. Il s’agit pour les managers de savoir manager dans le paradoxe de l’ordre et du chaos qui finalement sont ensemble une source d’équilibre et de développement durable quand on ne sacrifie pas le chaos sur l’autel de l’ordre et inversement !
L’entreprise 2.0, ce n’est pas « une entreprise + du Web 2.0 ». L’objectif n’est pas la création d’une entreprise technophile mais d’une « entreprise intelligente » dont les salariés ont un vouloir coopérer (une culture, des croyances qui favorisent les coopérations intellectuelles), un savoir coopérer (un mode de management adapté à l’entraide sur les activités très intellectuelles) et enfin un pouvoir coopérer (une organisation et un fonctionnement qui favorisent la transversalité et le partage des bonnes pratiques). Les technologies Web 2.0 font partie du pouvoir coopérer, elles viennent en support de la culture, des compétences et du fonctionnement de l’organisation.
Beaucoup de dirigeants d’entreprises sont prêts à croire ceux qui leur racontent qu’un simple logiciel va changer leur culture d’entreprise, développer les compétences de leurs managers et enfin transformer leur organisation et leur fonctionnement. L’heure viendra où il faudra faire les comptes, ce sera aussi l’heure des désillusions !
Dissoudre un individu dans le collectif nuit gravement… au collectif !
Dans une entreprise 2.0, le collectif est très important. Or notre société et nos organisations sont marquées par un excès d’individualisme que tout le monde ressent et que certains dénoncent. Mais, la majorité s’en accommode. Pourtant, cet individualisme est toxique. Il pousse en particulier à l’irresponsabilité et à la défense permanente de son intérêt personnel sans préoccupation particulière pour l’intérêt général.
D’un excès d’individualisme, on bascule parfois brutalement dans un excès inverse, celui qui consiste à dissoudre l’individu dans le collectif. Les systèmes de gestion du capital immatériel (KM, intelligence collective, réseaux sociaux, communautés,…) fonctionnent souvent uniquement sur le principe de la carotte et du bâton. Exemple : tu publies un document dans la base documentaire, on te donne une carotte. Tu ne publies rien, tu reçois un coup de bâton. Le contrôle, la récompense ou la sanction, ce n’est pas mauvais en soi. C’est même nécessaire mais c’est insuffisant.
Nous sommes tous uniques. Nous avons notre singularité. Nous cherchons la reconnaissance de nos mérites (cf. pyramide de Maslow) et nous ne sommes donc pas prêts à être dissous dans un collectif. L’individu doit exister dans le collectif et sa contribution doit être reconnue nominativement (rattachée à lui). Mais ce n’est pas le collectif qui peut faire ce travail. Chacun des membres du collectif doit se prendre en charge et devenir autonome pour faire reconnaître sa contribution. Cela nous amène à différentes techniques dont le Personal Branding (une nouvelle méthode de gestion de carrière que je décris dans mon dernier livre : Réussir sa carrière grâce au Personal Branding – Eyrolles, mars 2009).
Le rôle du Personal Branding dans l’entreprise 2.0
Le Personal Branding permet à un individu de faire rayonner sa marque personnelle (ses talents, son expertise, ses réalisations, ses réussites,…) au sein de son organisation, dans les réseaux sociaux, les communautés, les équipes ou les projets mais aussi bien sûr à l’extérieur de l’organisation s’il souhaite se préparer à une transition (chômage ou démission).
Faire rayonner son expertise, ce n’est pas se vanter ou être prétentieux. Le but du Personal Branding est d’offrir au collectif une visibilité sur les talents de chacun de ses membres pour innover et résoudre des problèmes. D’une certaine manière, on apporte une réponse au problème récurrent de la localisation des experts et des expertises, problème auquel les LDAP, annuaires ou systèmes d’analyse automatique des communications n’apportent pas de réponses satisfaisantes.
Le Personal Branding permet de rééquilibrer le système. L’individualisme est toxique tout comme le collectivisme. Il s’agit de trouver un nouvel équilibre, un jeu gagnant pour l’individu et gagnant pour le collectif. L’individu contribue au collectif et sert l’intérêt général parce que c’est aussi dans son intérêt personnel. Il le fait parce que sa contribution au collectif est reconnue nominativement. Il le fait pour faire rayonner sa marque et en tirer un bénéfice comme une promotion, des bonus, l’intégration d’un nouveau projet, d’une équipe, etc. Mais, tout ce qu’il fait pour lui sert aussi le collectif par rétroaction.
L’adoption de nouveaux comportements qui favorisent l’émergence de l’entreprise 2.0
Le Personal Branding est une démarche en 3 parties :
• Mieux vous connaître – Connaissance de soi
• Mieux vous faire connaître – Être visible
• Mieux vous faire reconnaître – Gérer votre réputation professionnelle
C’est une démarche conçue initialement pour aider un individu dans la gestion de sa carrière. A priori, l’objectif est individuel. Mais, une analyse plus poussée permet de comprendre le Personal Branding comme un outil au service du collectif en général et de l’entreprise 2.0 en particulier, par exemple dans les réseaux sociaux ou les communautés de pratique.
Voici donc une autre lecture des 3 parties de la démarche :
1. Mieux vous connaître, c’est être capable à travers un travail d’introspection de définir votre identité professionnelle. Pour réussir cette partie, il est indispensable de solliciter le feed-back de son entourage social et professionnel. Il faut chercher de l’aide dans le collectif pour mesurer les différences entre notre perception de nous-mêmes et la perception des autres. Cette mesure est d’autant plus importante que la perception de la réalité par notre entourage est toujours plus forte que la réalité elle-même.
2. Mieux vous faire connaître, c’est savoir augmenter la visibilité de votre identité professionnelle. L’un des aspects les plus importants de cette partie est la construction d’un réseau de contacts professionnels. Construire son réseau de contacts ne peut se faire que dans une logique gagnant / gagnant. Tous les experts du networking vous expliqueront qu’il faut d’abord donner à son réseau avant de recevoir. Vous donnez de l’aide et ensuite seulement, vous pouvez chercher de l’aide (pour trouver des clients ou un emploi).
Outre la création d’un réseau, il est aussi important de publier du contenu en particulier à travers un blog ou des articles. Un blog est un outil de publication de contenu qui fonctionne comme une peinture. Si personne ne la regarde, elle n’a aucune valeur. Dans le blogging, la production d’un contenu de qualité est donc aussi importante que la création d’une communauté de lecteurs qu’on fera grandir en créant des liens avec elle. Il s’agit par exemple d’engager la discussion avec sa communauté (« Qu’en pensez-vous ? ») ou de répondre aux commentaires et aux questions qui sont posées par les visiteurs de son blog. On est donc dans une logique de production de contenu qui ne sera visible que si on est capable d’entrer aussi dans une logique de réseau, de communauté, d’échanges et à travers les commentaires sur les billets, on entre même dans une logique de co-création, de co-construction du contenu.
3. Mieux vous faire reconnaître, c’est gérer votre réputation professionnelle. Pour cela, il faut garder le contact avec ses références tout au long de sa carrière et demander des recommandations. Une référence est une personne avec qui vous avez réalisé une ou plusieurs actions avec succès soit ponctuellement (sur un projet), soit dans la durée (mois, années). Demander une recommandation à une référence permet de mettre par écrit la description de l’action réussie avec cette référence. Une recommandation est un outil de validation des aptitudes métier, expertise ou qualités humaines que vous déclarez dans votre CV ou votre lettre de motivation. Gérer sa réputation professionnelle, c’est donc savoir gérer un réseau de références et être capable de demander de l’aide à son réseau au moment où on réussit une action (par une demande de recommandation) et plus tard pour une mise en relation.
Le Personal Branding, en première lecture, c’est purement individuel. Mais quand on regarde plus près, on retrouve les composantes majeures du management de l’intelligence collective et des connaissances :
– Réseaux, communautés, collectif
– Jeu gagnant-gagnant
– Entraide (aider et chercher de l’aide) – Collaboratif
Apprendre aux individus à créer et gérer leur marque personnelle, c’est leur apprendre à adopter des nouveaux comportements, à entrer dans de nouvelles logiques qu’ils sont plus à même d’accepter dans le contexte de la gestion de leur carrière puisque cela sert leur intérêt personnel. Il y aura ensuite un pont naturel qui se fera vers le collectif. Compte tenu du principe de la dissonance cognitive, si un individu fonctionne dans une logique de réseau et d’entraide pour gérer sa carrière, il est fort probable qu’il finira par fonctionner dans la même logique dans ses activités professionnelles. Bien sûr, la transition se fera progressivement.
Cependant, si on fait évoluer les comportements individuels sans évolution de l’organisation, on retourne à la case départ. Au-delà des comportements individuels, l’entreprise 2.0 est liée à l’existence d’un vouloir coopérer, d’un savoir coopérer et d’un pouvoir coopérer.
Le Personal Branding est donc un des moteurs possibles pour booster l’entreprise 2.0. Ce n’est pas le seul et il n’est pas en soi suffisant s’il n’y a pas une vraie stratégie des dirigeants pour transformer leur organisation en entreprise intelligente.
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